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RICHE OU AIMÉE ?

prolonger et l’aggraver, par un mariage avec un homme sans fortune.

— Alors vous approuvez les mariages d’argent ? dit André, qui riait toujours un peu sous cape.

— Oui, fit Gisèle avec sa juvénile audace, je les approuve. Je ne dis pas que je raisonnerais de même si ma position était autre, mais, telle qu’elle est, j’y suis bien décidée, je me marierai richement, ou je ne me marierai pas.

André eut, en entendant ces mots, une sensation pénible qui ne dura guère qu’une seconde. Au demeurant, que faisait cette jeune fille, sinon exprimer franchement des théories qui étaient les siennes ? Et cependant, énoncées ainsi brutalement, par cette jolie bouche fraîche, mieux faite pour les paroles de tendresse que pour les calculs arides d’une ambition toute matérielle, elles lui causèrent une sorte de malaise.

— Gisèle est une petite personne pratique, ajouta Mme de Lacourselle, craignant que sa fille ne fût allée un peu loin et cherchant à plaisanter, pour atténuer la portée de ses paroles. Dieu veuille que son vœu puisse se réaliser sans des concessions auxquelles, j’en suis sûre, sa délicatesse se refuserait.

— Oh ! des concessions, reprit Gisèle, qui n’avait pas compris, je suis d’avance résignée à en faire, en échange de celles qu’exigera ma pauvreté, mais le moins possible.

— Et lesquelles te seront plus faciles ? demanda à sa nièce Mme de Vauteur, que tout ceci semblait amuser beaucoup ; quelles qualités exigeras-tu d’abord de ton mari ?

— La première, je vous l’ai dit, ma tante, c’est qu’il soit riche, oh ! fort riche.. Comme disait mon père, quand on prend du galon, on n’en saurait trop prendre !

— Et après ?

— Après, qu’il soit noble, ou tout au moins de bonne famille, qu’il soit bien élevé, intelligent, de bon caractère ; jeune, beau ; je vous dis tout cela par ordre de préférence.

— Alors, fit André, qui avait dominé sa première impression et repris toute sa bonne humeur,