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RICHE OU AIMÉE ?

légêrement comme si elle l’avait quittée la veille.

Et, s’adressant à Gisèle :

— Bonjour, mon enfant.

M. de Chateaublon, lui, eut la faveur d’un sourire.

— André, bonjour, il y a bien longtemps que je ne vous ai vu.

Puis elle alla s’asseoir sur un fauteuil d’un air lassé ; son mari, qui la suivait, fut encore plus froid, mais peut-être plus correctement poli. Il alla saluer Mme et Mlle de Lacourselle d’un petit coup de tête sec et très bas, qui leur présenta la perspective nette de sa calvitie, tendit la main à André et s’en fut dans l’autre coin du salon.

Le comte René Douchet d’Azas avait quarante-cinq ans : de taille moyenne, assez fort, il n’approchait pas de la distinction de la comtesse ; une certaine lourdeur de membres, la vulgarité des attaches, des traits épais, dévoilaient des origines plébéiennes que son titre et son nom n’expliquaient pas. Pour en savoir le secret il eût fallu remonter deux générations plus haut. Les d’Azas s’appelaient alors Douchet, tout court. Un des leurs était officier de l’Empire ; l’autre, à l’heure où la France se relevait à peine des inoubliables désastres de la Révolution, s’était mis dans les affaires, il était banquier. Les années qui suivirent furent lucratives pour la maison de banque récemment formée ; celui qui la dirigeait était un homme de résolution et de coup d’œil, il ne tarda pas à réaliser une fortune considérable. Son fils, qui lui succéda, l’augmenta encore ; lui était un ambitieux ; la considération que donne l’argent ne lui suffisant pas, il avait acheté le domaine d’une famille déchue et presque éteinte, dont la dernière survivante se défaisait pour assurer, par une rente viagère, la paix de ses vieux jours. Il l’avait, il faut bien le dire, royalement payé, mais avec la terre il avait acquis un nom et il obtint la permission de la joindre au sien. Le titre vint plus tard, moyennant finance ; une petite cour d’Allemagne en fournit le parchemin très en règle. M. Douchet d’Azas ne le porta pas, malgré son orgueil ; cette