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RICHE OU AIMÉE ?

dignité subitement venue l’effarouchait, et il avait peur que ce titre, succédant si promptement à son récent anoblissement, ne mit pas les rieurs de son côté, mais il le légua à son fils René, qui ne se fit pas faute d’en user.

Ce jeune homme, unique rejeton de la famille des Douchet, avait hérité de leur immense fortune mais non pas de leur puissance intellectuelle. Son esprit, comme sa personne, était fort ordinaire ; et ii tendait toutes ses facultés vers un but unique qui n’était pas pour les développer : devenir un homme à la mode, de ceux devant qui toutes les portes s’ouvrent, qui compte tout Paris dans ses relations et les éblouit par son chic et son luxe. De maison de banque il n’était déjà plus trace ; mais, grâce à son souvenir, le comte René avait dans le monde de la finance ses entrées tout assurées ; le monde artistique n’est pas bien fermé pour ceux qui ont une clef d’or ; le monde politique non plus, hélas ! Seul, le noble faubourg se tenait encore sur la réserve, surpris par ce comte tout frais élu dans lequel il ne reconnaissait pas un des siens. Pourtant, les amis que M. Douchet d’Azas avait pu se faire au cercle, aux courses, par son affabilité et par sa bourse, et qui appartenaient à la fine fleur de la noblesse française, amenèrent peu à peu leur compagnon chez eux. Il y fit très bonne figure, car, s’il n’était pas distingué, il était bien élevé, et il se trouva avoir un pied dans la société où sa vanité désirait son admission. Cela ne lui suffit pas, il comprit bientôt qu’il ne serait jamais de ce monde-là, s’il n’arrivait à en faire partie intégrante, au moins par son mariage. Aussi se décida-t-il à chercher sa femme de l’autre côté de l’eau.

Il l’eut bientôt choisie : ayant rencontré plusieurs fois Mlle de Vauteur au bal, il fut frappé de son profil élégant et fier, de sa distinction souveraine, et estima que ce serait bien là une comtesse d’Azas à faire prendre son titre au sérieux. Une fois son dévolu jeté sur elle, il manœuvra habilement pour s’en rapprocher, y parvint, et, deux mois après, la demandait en mariage.

Jeanne de Vauteur était naturellement une fille