Page:Florens - La Protection légale des animaux en France, 1890.djvu/20

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leurs maîtres ; par l’invention du paratonnerre, il protégea les édifices ; par son courage civique, il protégea son pays et lui rendit la liberté :

Eripuit cœlo fulmen, sceptrumque tyrannis.

La théorie de la métempsycose n’est certainement pas ce qui a déterminé le général de Grammont à proposer la loi qui porte son nom ; le législateur moderne s’est inspiré des doctrines philosophiques du XVIIe et du XVIIIe siècle ; il a reconnu que les animaux ne sont pas de simples automates, comme l’avait soutenu Descartes, mais des êtres sensibles à la joie comme à la douleur.

C’était, en effet, une étrange doctrine que celle qui consistait à considérer les animaux comme des mécaniques perfectionnées, mais incapables de sensibilité. Descartes qui doutait de tout ne pouvait faire aux animaux la libéralité de leur accorder une âme sensitive, comme l’avait fait Aristote ; mais la doctrine cartésienne rencontra de très vives contradictions : au siècle dernier, Condillac, dans son Traité des animaux (1755) ; Bichat, dans ses Recherches physiologiques sur la vie et la mort (1795) ; Cuvier, dans son Traité du régime animal distribué d’après son organisation (1816) ; de nos jours, Flourens et Blatin, dans leurs études sur la psychologie, ont démontré victorieusement que les animaux sont doués de mémoire, de sensibilité et souvent d’une assez grande intelligence ; il y a, en effet, chez eux deux forces primitives, l’instinct et l’intelligence ; ces deux forces sont distinctes : dans l’instinct, tout est aveugle, invariable et particulier, rien n’est modifiable ; le castor, par exemple, bâtit toujours sa cabane de la même façon, son industrie ne peut être employée à un autre travail ; ce travail, il ne l’a point appris, il y est poussé par une force irrésistible. Dans l’intelligence, au contraire, tout résulte de l’instruction ; le chien, le cheval obéissent par intelligence, ils apprennent même la signification de certains mots, ils obéissent parce qu’ils veulent obéir.

Les animaux sentent, ils éprouvent la douleur ; il convient de la leur épargner sans nécessité ; tel a été le but de la loi de 1850 dont l’article unique est ainsi conçu :

« Seront punis d’une amende de 5 à 15 francs et pourront l’être d’un à cinq jours de prison ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques.

« La peine de la prison sera toujours appliquée en cas de récidive. »