Page:Florian - Oeuvres.djvu/211

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En donnant au public le recueil de mes comédies, je me garderai bien de le faire précéder de réflexions sur la comédie. Ce serait d’abord risquer d’ennuyer, péril qu’on ne peut assez craindre ; ensuite je serais sûr de me nuire, car de deux choses l’une : ou je prouverais que je suis un ignorant, et personne ne gagnerait à cette découverte ; ou je me montrerais fort instruit, et l’on m’en trouverait plus coupable d’avoir fait des pièces si imparfaites, en sachant si bien comment on les fait bonnes. Je ne veux donc parler ici que du genre que j’ai adopté, dire les motifs de cette adoption, et relever les fautes que je n’ai pas évitées.

Pour pouvoir définir ce genre, il faut dire un mot des autres ; il faut répéter, ce que l’on sait déjà, que la comédie de caractère est sans contredit le plus beau, le plus utile, le plus difficile de tous les drames. Quel travail que celui d’étudier jusqu’aux plus petits traits de l’homme qu’on veut peindre, de fouiller dans les replis de son cœur, d’y surprendre ses sentiments les plus cachés, et d’imaginer ensuite des situations où, dans l’espace de deux heures, tous ces traits, tous ces sentiments soient développés, en amusant, en intéressant toujours deux mille personnes rassemblées au hasard, et très-indifférentes à l’affaire dont il s’agit ! Un tel ouvrage, quand il est parfait, me semble le chef-d’œuvre de l’esprit humain.

Mais ce chef-d’œuvre, en tous les temps si difficile, l’est peut-être aujourd’hui plus que jamais. Quand il naitrait un second Molière, merveille que la nature ne produit plus vraisemblablement, pourrait-il se flatter d’égaler le premier ? trouverait-il des sujets tels que le Misanthrope, le Tartufe, l'Avare ? Je ne le crois pas. Les caractères qui restent à traiter une semblent petits auprès de ces grands modèles. Je