Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/105

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le sage de l’Asie se réfugie à l’intérieur de lui-même. Ce corps si beau n’est qu’une enveloppe. Par elle, il demeure près de nous, par l’esprit il est lointain. Le dieu aux yeux clos baisse ses paupières pour cacher un miracle et un mystère, la communion avec l’absolu. De même que son temple est le reliquaire de sa dépouille, son corps est le reliquaire de son intelligence. Plus nous le contemplons, plus il semble nous fuir. C’est cette absence et cet évanouissement qui est le divin de l’Asie. L’art gréco-romain lui a permis de se révéler. Sans ses leçons il serait peut-être encore prisonnier de formes purement emblématiques. En tout cas, il nous demeurait probablement impénétrable.

Ce qui est sûr, c’est que le type gréco-bouddhique du Gandhara n’est pas resté immuable. L’art des « cinq Indes » s’en est emparé et l’a travaillé, dans le schiste du Magadha, le grès grisâtre de Bénarès, le grès rouge et jaune des Vindhyas, comme sur les feuilles de palmier des miniatures népalaises et sur les parois peintes d’Ajanta. Les premiers artistes directement imbus de tradition gréco-romaine ont fait place à des imitateurs locaux. La lettre de la doctrine bouddhique s’est peu à peu imposée à ces derniers, moins habiles et plus pénétrés de ritualisme. Sous leur ciseau, la protubérance de l’oushnisha s’est accentuée. La chevelure, devenue courte et crépue, s’est ornée de bouclettes enroulées à droite. Le manteau a glissé sur l’épaule, pour faire place à un pectoral de