Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/13

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l’esprit du siècle, il se présente comme une spirituelle et romanesque apologie de la mondanité.

Lorsque nous étudions les sociétés primitives, les sociétés de l’antiquité et du moyen âge, et, de nos jours encore, les grandes civilisations non-européennes, nous voyons que ni la théorie kantienne du jeu ni l’esthétique romantique ni les caprices de l’individualisme laïque ne suffisent à expliquer les origines et les caractères fondamentaux de leur art. Il s’y présente, non comme une haute fantaisie de rêveurs créant des mondes pour se distraire, mais comme une fonction sociale et comme une fonction religieuse. C’est une des erreurs dogmatiques de la critique de ce temps que de considérer habituellement ces monuments lointains comme vides de tout contenu et doués d’une pure valeur décorative, alors que chacun d’eux répond à un système de croyances éthiques, de formules canoniques et d’interprétations générales de l’univers. En d’autres termes, l’art primitif, l’art ancien, comme l’art de l’Asie, de l’Afrique, de l’Amérique et de la Polynésie, ne sont pas un réseau de graphiques indifférents, mais un ensemble de signes et de symboles. On ne songe pas à nier dans l’histoire de ces civilisations le beau développement des arts profanes, inspirés par les besoins et nés des ressources du sol. Mais ils sont eux-mêmes frappés d’un cachet social indélébile, et il ne faut pas entendre par là seulement qu’ils répondent plus ou moins, par le choix des matières, par la couleur, par le dessin, à ce que le XVIIIe siècle aurait appelé l’esprit des sociétés qui les créèrent : je veux dire qu’il y a en eux quelque