Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/140

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fondeurs. De la peinture à la règle, en honneur sous les Thang, au viiie siècle, à la peinture au doigt, pratiquée sous les Mandchous, quelle variété technique ! Faire dire le plus de choses possible à des éléments simples, qu’une fantaisie philosophique noue, dénoue, tourmente, apaise à son gré, confier toute une sensibilité à ces beaux linéaments noirs, voilà le musical secret de cette esthétique. La clef en est peut-être dans l’idéogramme et dans la calligraphie, — mais l’interprétation complète n’en est pas possible en dehors de cette philosophie ascétique et naturiste qui demande à l’homme d’être fort et concis et qui l’associe étroitement à l’univers concret.

Oui, le pinceau chargé d’encre des Tchhan, sous les Thang, est le signe, le symbole d’une technique ascétique, en ce sens qu’il exige un prodigieux entraînement volontaire et qu’il méprise les richesses d’un luxe confus. Il est le miracle de ces deux vertus, — pauvreté, volonté. Il est l’école du plus haut raffinement. En même temps, il est l’instrument, si je puis dire, du contact le plus délicat entre l’âme humaine et la nature, il en traduit tous les tressaillements. Tantôt il erre avec une paresse heureuse, avec une négligence sereine et pleine de noblesse, et la trace qu’il laisse après lui est semblable au chemin d’une lente procession dans un office bouddhique. Tantôt, il est nerveux, violent et chargé de colère, il écrase la tache, il poche hardiment les valeurs. Tantôt il pose un accent impondérable, un point dans l’espace, — et voici que la vie