Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/185

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cette figure paraît d’abord assez rude. Elle ne l’est pas. Quelle est la première règle que s’imposent ces farouches guerriers ? « Connaître le ah des choses », c’est-à-dire leur tristesse, leur vie cachée, leur émotion latente, la qualité de douceur ou de douleur que chacune d’elles mêle à l’harmonie universelle. Connaître le ah des choses, c’est être sensible à leur poésie secrète, c’est entendre leur leçon d’unanimité. Il ne faut pas vivre pour soi, il faut vivre pour les autres, il faut vivre pour le tout. Qui comprend le ah des choses accède à l’esprit de sacrifice, à la charité, à la bonté.

Ainsi succède au mysticisme Tendaï, selon un rythme que nous avons déjà étudié en Chine sous les Song, l’ascétisme contemplatif, compréhensif et tendre de l’école Zèn. Au respect de l’homme il superpose le respect de la vie. Partout présente, elle est partout vénérable, même dans ses tressaillements intimes, même dans les sillons légers qu’elle trace au cœur ou sur l’écorce des matières humbles. Elle est plaisante, elle est délicieuse, elle est infiniment digne d’être aimée chez les êtres. Les plantes, les bêtes ont elles-mêmes quelque chose de touchant et de bon. Celles qui entourent ou qui escortent notre existence familière empruntent à la chaleur humaine un peu de son rayonnement ; elles nous font en échange un don gracieux de poésie. En elles palpite une âme indiscernable, qui a son passé, qui est appelée à un avenir. Elle renaîtra, sous des formes multiples, dans les dix mille