Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/186

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vies. Subtil échange de caresses morales entre l’homme et les compagnons muets de son activité. Il l’a compris, il l’a connu, le ah des choses, l’artiste qui fixe sur les laques, sans l’immobiliser, le jet élégant des graminées fléchies par le vent ou le brusque arrêt des biches qui, le jarret tendu, la tête dressée, flairent au loin avec une inquiétude attentive quelque péril inconnu. Et mieux encore que le laqueur, sans doute, cet exquis gentleman peint en raccourci dans un haï-kaï publié par Paul-Louis Couchoud et qui se tient consterné, sa cuve de bois dans les mains, n’osant jeter l’eau chaude de son bain du soir dans l’herbe de son jardin, toute bruissante de chants d’insectes. Comment la vie de l’homme serait-elle aride, ainsi associée à toute la vie ? Parmi tant de présences, de sympathies, d’échos légers, comment le cœur pourrait-il rester insensible et dur ?

Ces principes ne portèrent pas immédiatement leur fruit dans l’art de la période Kamakoura. Époque d’aristocratie féodale et de longues guerres de clans, elle favorisa la représentation des exploits célèbres, les scènes de la vie héroïque et romanesque, — celle de Chô-tokou Taï-si (Oumayado) peinte par Takanobou, par exemple. Les maîtres reviennent aux grandeurs du passé japonais, aux paysages japonais, à un style purement « Yamato ». L’école de Tosa traduit avec une préciosité raffinée, avec un charme de couleur tout à fait rare et inattendu, les légendes épiques chères aux petites cours féodales, où elles stimulaient l’esprit de