Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/187

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chevalerie. Sur les longs makimonos où chatoient des tons choisis, se déploie la biographie des héros, des grands poètes et des saints fameux. Les portraits sacerdotaux de l’école de Takouma (Pl. XXI), d’un accent individuel si puissant et si grave, montrent quelle erreur on commettrait, en croyant que la pensée bouddhique au Japon n’a inspiré que des images d’une immuable impersonnalité et que le culte de la forme humaine s’est réfugié dans le décor et la caricature[1]. Portraitistes eux aussi, les grands sculpteurs Oun-kei et Tan-kei, à qui nous devons les images des seigneurs de Kamakoura et des six bonzes du Choukondo de Nara, « effigies surprenantes d’individualité, de vie surprise à l’instant fugitif de la plus profonde et intime émotion, avec tous les détails particuliers de structure minutieusement rendus, avec la ferveur d’une interrogation affectueuse[2]... »

La statue colossale d’Amida, dite Bouddha de Kamakoura, est bien représentative elle aussi. Elle n’a pas été dressée sur l’ordre et aux frais de l’empereur, comme les bronzes de Nara, mais la sympathie et le concours de tous ont aidé un obscur moine bouddhiste à réaliser cette grande pensée, à la faire exécuter par un artiste de Kyôto encore inconnu (vers 1252) : réalisme émouvant et large, inspiration populaire[3], où le charme de la tendresse humaine[4] s’allie à une simplicité expressive.

  1. L. Aubert, Revue de Paris, 15 juin 1909.
  2. Fenellosa, op. cit., p. 142.
  3. Handbook of the old shrines… in Japan, p. 18.
  4. Okakura, op. cit., p. 148.