Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/199

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l’est par la grâce toute-puissante du sentiment féminin, par l’impérissable sourire d’Amida qui brille sur les estampes d’Outamaro, comme sur les fresques d’Ajanta. Elle l’est par l’humour tendre et pitoyable qui anime l’artiste penché sur la vie des pauvres et sur la vie des bêtes. Elle l’est par la souveraine puissance d’évocation naturaliste qui donne un tel style et une telle profondeur aux planches des grands paysagistes, Kouniyosi, Hokousaï, Hirosighé.

Le prêtre Nitsi-ren, fondateur de la secte bouddhique Hokka, chemine doucement à travers une tempête de neige (Kouniyosi). Il semble tout petit et comme perdu dans la désolation du paysage. Mais il est si étroitement associé à tout ce qui l’entoure, les flocons l’enveloppent si bien, il avance avec tant de sérénité au milieu de ces blancheurs légères que sa candeur et sa sainteté se mêlent à la terre qui le porte, au ciel qui descend sur lui comme une bénédiction tendre, sa méditation envahit paisiblement la nature et l’hiver. — Les promeneurs d’Hirosighé s’arrêtent devant les points de vue célèbres ; au pied d’un arbre héroïque, contemporain des fameux hommes d’armes et des abbés exemplaires, ils s’assoient en famille pour improviser à l’envi de courts poèmes : l’âme du paysage se mêle à leur âme et la fait chanter. — La pluie tombe avec roideur sur un pont de la Soumida. Les gens se hâtent, sous des parapluies énormes. Au loin, dominant l’immensité du Pacifique, le mont Fouzi s’élève, gris et noir, redoutable par sa masse et par sa