Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/204

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de l’onde, à un frisson de la chair, elle est la vie tout entière. Chez les maîtres de l’Oukiyo-é, l’école de la vie qui passe, chez les sculpteurs de netsoukés, elle est charmante, — et parfois terrible — de vérité expressive. Leurs yeux inquisiteurs la poursuivent et la discernent partout ; encore chaude et animée, elle palpite dans leurs albums fourmillants et concis.

Accrochée au fruit du kaki, dont elle pompe le suc, la sauterelle ploie délicatement ses longs membres bien articulés, pareils aux ais savants d’une machine de guerre ; sur la plage, à marée basse, les bêtes de la mer rampent ou sommeillent, et tous les prolongements de leur être, tentacules, cils, dards épineux, dessinés d’un trait sobre, pur et ténu, semblent bouger, vibrer, se contracter, se détendre, palper, avec l’hésitation molle et adroite d’un toucher aveugle. Les singes touffus sont des boules de poils, où brille tout à coup la sagesse ironique d’un visage rose et glabre de vieillard heureux. Tous les regards expriment une pensée mystérieuse, inquiète et vive ; tous les aspects, tous les hasards, jusqu’au bouquet de feuilles hirsutes brassées par le vent, nous communiquent l’ardeur secrète de leur âme.

Quant aux humains, ils se démènent dans la bataille et dans l’action. Les héros et les ouvriers, noueusement construits, tuent ou créent, mènent besogner pour le bien ou pour le mal leurs corps trépidants. La femme se pare avec des artifices nobles et savants pour la volupté qui bientôt la renverse et la tord tout