Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/205

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entière. Et, tandis que les belles réparent leur désordre et se contemplent dans des miroirs de métal poli, le bras levé, nu jusqu’à l’aisselle, et le peignoir lâche laissant voir la maigreur élégante de l’épaule, là-bas, à travers le cadre de la baie largement ouverte dans les cloisons de papier, par delà les maisons du port, le soir descend, avec son ciel déjà sombre taché de cerfs-volants et de grandes voiles pacifiques.

La vie n’est pas une succession de saccades, elle a ses accents larges et sa continuité ; sous ses aspects familiers, elle conserve son ardeur, mais, dans la demeure des hommes, elle devient facile, gaie et tendre. Les poteries touchées par des mains féminines s’imprègnent de leur délicate chaleur. L’aspect usé des choses leur confère une spiritualité qu’ignore le neuf. Des vieilleries délaissées traînent dans un coin de la chambre ; elles sont chargées de regrets humbles. D’un trait, en coin de page, voici, avec le bol à saké, le plateau de laque, une ceinture fanée, tout un poème de vie domestique, juste et pénétrant parce qu’il n’est pas chargé de commentaires.

Il en est de même de ces essais légers, rédigés souvent par des femmes, au courant de la plume, qui portent jusqu’à nous les réflexions, les rêveries, les paysages préférés, les heures de choix, les tendres souvenirs des spirituelles et des indolentes. Conçus sans fatigue, venus d’un seul jet, concis et purs, ils ont une sincérité, un ton libre et vrai qui enchantent. Les retours des parties de campagne, alors que toute