Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/207

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les plus anciennes du génie humain, comme si le temps, en laissant s’écrouler des tentatives périssables, viciées par un malaise natif ou rongées par leur propre corruption, ne permettait la durée qu’aux monuments d’un âge où l’homme n’était pas encore déchu. Et il est vrai que les civilisations vieillies, s’enrichissant tous les jours de notes nouvelles et complexes, de nuances rares, de raffinements qui les désagrègent, perdent peu à peu le don du style. On pourrait croire qu’il est la langue par laquelle s’expriment seulement les peuples enfants.

En Grèce, en France et au Japon, il escorte magnifiquement les siècles. Dans la coupe du visage d’une statue funéraire de l’Asie hellénistique comme dans le dos divin de la Héra de Samos, il y a quelque chose qui émeut en nous une méditation solennelle. De la période Nara à la période Eddo, le don du style s’exerce en mainte occasion avec une largeur et une autorité que n’altèrent ni ne diminuent les vicissitudes de l’histoire. Sur cette terre d’élection, les leçons des bronziers chinois du viie et du VIIIe siècle produisent des œuvres qui sont comme l’exemple de la majesté des dieux. Les grands portraits sacerdotaux, peints sur des panneaux de soie et conservés dans les temples, nous offrent le spectacle d’une humanité auguste, solide comme le temps, baignée du rayon des vérités éternelles. De colossales forêts de pins tracées sur les murailles des palais et comme nées d’un seul coup, sont l’image de la force harmo-