Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/24

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sidérer comme son propre but, si elle a été qualifiée et mise en lumière par les esthéticiens modernes, est une tendance très ancienne. Les progrès de la technique l’objectivaient peu à peu, il cessait d’être instrument pour devenir fin en soi. Avant les Grecs, il y eut des artisans pour aimer les choses bien faites et des artistes pour aimer la beauté, pour se réjouir du contact d’une matière rendue plus fine, de la vue d’une symétrie ou d’une asymétrie volontaire. Toucher un objet soigné, le serrer chaudement entre les paumes, le caresser pour lui donner le poli, c’est là un instinct désintéressé, aussi ancien que l’homme conscient, et, sans lui, nous en serions toujours à la pierre éclatée. La commodité usuelle n’est pas toujours d’accord avec la régularité formelle, et pourtant l’on chercha des formes régulières. Il y a là un pur désir, dont l’utilitarisme magique ne donne pas la clef. Le sens profond du mythe de Pygmalion n’est pas dans l’animation de la statue, mais dans l’amour que le sculpteur conçut pour elle en la faisant. Même, il ne l’eût pas faite, s’il ne l’eût aimée. De même que le sentiment religieux se superposa aux rites, l’amour du beau se superposa au culte des images, non seulement comme une expression de plus de la piété, mais comme une force souveraine qui finit par dépasser son objet. Les religions eurent à compter avec cette force qui les dépassait quelquefois et qui, en les enrichissant, pouvait les dévier.

D’ailleurs chacune d’elles n’a pas forcément inventé son art. Beaucoup furent des réformes agissant dans des milieux déjà touffus. Les vieilles techniques savantes ont