Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/23

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images, parce que toute religion qui franchit la pure éthique et la pure métaphysique a besoin d’images, de rites et de formules, mais elle a superposé au culte une structure psychologique également précieuse pour les arts. Ce que nous appelons le sentiment religieux est d’un autre ordre que l’inquiétude du primitif en présence des forces naturelles ou l’angoisse philosophique du sage devant les problèmes de l’univers ; ce n’est pas non plus l’état sublime de nos passions (telle fut l’erreur de l’art catholique, dès la fin du XVIe siècle, — la transposition du drame ou de l’opéra dans la plastique religieuse), mais une aspiration indéterminée dont les vertus théologales, les « états parfaits » du catholicisme ne sont, si je puis dire, que les reliefs les plus évidents. Effusion, tendresse, désir, pitié vivifient les mythes et les images et ouvrent à l’art des horizons inconnus. Les hommes et les paysages en sont baignés. La vie spirituelle fait rayonner sur le front des saints, dans leurs regards, dans le ciel qui brille au-dessus des ermitages ombriens ou japonais, une espèce d’aube surhumaine. L’iconographie, qui conserve sa valeur d’indice, ne suffit pas à interpréter cet accent des profondeurs. Tandis que le rite maintient le caractère collectif de la croyance, le sentiment religieux peut devenir principe d’individualisation. Les attributs de l’image, son type, son style restent en fonction de la liturgie et de la dogmatique ; la qualité de la vie spirituelle qu’elle représente, tout en répondant à l’état et aux besoins d’une collectivité, est en fonction d’un sentiment personnel.

D’autre part, la tendance qui poussait l’art à se con-