Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trale, en vieux pays turc, près de Samarcande, on peut déchiffrer encore d’antiques épitaphes nestoriennes.

Et d’autre part l’Asie, que nous nous représentons volontiers comme une immobilité majestueuse, fataliste, contemplative, comme le continent des grands empires morts, et morts depuis des siècles, a vécu et vit avec une intensité extraordinaire. Elle n’a pas seulement produit et propagé des rêves d’une déconcertante profondeur, elle a enfanté des civilisations organiques, solides et pourvues de techniques savantes. Le beau livre de Léon Cahun sur les Mongols, par exemple, nous laisse l’impression, non d’un tourbillon de forces confuses, non d’un fourmillement de tentatives amorphes, mais d’un système, qui se meut avec largeur et qui partout organise. Derrière les immenses déploiements de la politique militaire de Gengis-Khan, derrière les chevaleries de Timour, que l’on nous présente d’ordinaire comme d’aveugles déplacements de matière humaine sur lesquels ont brodé des caprices orientaux et de tyranniques fantaisies, il y eut une extrême alacrité de vie nationale consciente, alliée aux plus larges vues des chefs. L’histoire de la Chine, ce prétendu sommeil séculaire, agité de révolutions amorphes, révèle la puissance de la grande fonction civilisatrice de cet empire, qui est d’accueillir les nomades des steppes septentrionales et de les assimiler au communisme agricole de la Vallée Jaune. Dans sa citadelle insulaire, sur ces inexpugnables