Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/39

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Tantôt il dresse au-dessus des vies agitées, des tumultes, des changements, l’image solennelle des méditations du Sage et de son infinie pitié. Il semble d’abord limité aux formes les plus solides, les plus pleines et les plus stables de la plastique, et il finit par aboutir à l’esthétique de la pure suggestion, à une interprétation de la nature où une tache, une ligne, un point suffisent à éveiller en nous l’idée de l’absolu et la notion du tout. Nous traiterons donc la vie du Bouddha, non comme une matière à exégèse, mais comme une Légende Dorée, dont chaque élément doit être, au point de vue iconographique, considéré comme un fait inébranlable. Mais nous essaierons aussi d’analyser les formes élevées de cet art en fonction de la pensée qui les pénètre, qui les inspire si profondément et qui a ordonné, non seulement leurs linéaments généraux, mais jusqu’à leurs particularités techniques.

Le fond de la doctrine bouddhique, le salut par le renoncement, ne doit pas être considéré comme l’invention d’un génie novateur, mais comme l’expression définitive d’une vieille inquiétude de race qui avait déjà hanté la pensée religieuse de l’Inde brahmanique. La contradiction qui existe entre l’idée de l’unité divine de l’univers et, d’autre part, le spectacle de la vie chaotique, dissociée, prisonnière des étroites limites du moi, avait de longue date enfanté le pessimisme et l’obsession de la douleur, en même temps qu’elle provoquait des tentatives vers une philosophie de la délivrance, chez une race jadis vigoureuse,