Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trempée par le rude et sain climat du nord-ouest, puis affaiblie par un ciel mou, à la suite de ses migrations vers le sud. À travers la confusion de pensée qui obscurcit pour nous la littérature sacrée des Brahmanes, on voit se dégager cette doctrine que la vie n’est pas à elle-même sa propre limite, que la mort n’est pas l’anéantissement, mais que nous mourons pour renaître, avant de mourir et de renaître encore. Dans un oupanishad antérieur au Bouddhisme, Yama, le dieu de la mort, révèle à Nacikétas, qui l’interroge, le secret de la délivrance définitive : le sage qui s’élève à la connaissance de l’Unique peut seul s’affranchir du temps et dompter la mort.

Toujours cette philosophie suscita des ascètes et des moines. Elle fit naître une infinité de sectes, elle répandit sur l’Inde, avec la hantise de l’absolu et la passion des spéculations abstraites, le goût des mortifications les plus excentriques. Tout s’y prêtait, — le génie excessif et confus de la race, le dégoût d’une vie sans avenir terrestre et parquée dans le régime des castes, une indifférence profonde et physique à l’égard de la liberté, ce ferment des grandes civilisations actives de la Méditerranée orientale.

Mais le Bouddhisme n’est pas une pure continuation de ces tendances. Il est une réforme et il est une modération. Il s’élève contre le ritualisme étroit des Brahmanes, contre leur pédantisme liturgique. Avant d’être reconquis par le génie de l’abstraction, il commença par sourire de ceux qui affirment et de ceux