Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/85

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la nourriture de la communauté prenaient plus de développement. Il arrive que par là le sangharama n’est pas, dans beaucoup de cas, sans analogie avec nos monastères du haut moyen âge, dérivés eux-mêmes de la villa gallo-romaine et pourvus, comme elle, de granges, d’étables et d’ateliers.

À cette évolution sociale et technique correspondaient des progrès d’un autre ordre et l’épanouissement d’un art dont les chefs-d’œuvre sont encore trop peu connus de nos jours. L’architecture des temples et des monastères n’est pas un simple système de lignes et de volumes, elle ne se contente pas de s’enrichir d’une profusion de reliefs où joue la lumière. Le constructeur de l’Inde, si soucieux des effets de plastique décorative, ne l’était pas moins des effets de couleur. Sanchi était revêtu d’une polychromie éclatante. Hiuen-tsang vit briller les colonnes et les poutres du célèbre couvent de Nalanda de toutes les splendeurs de l’arc-en-ciel. Les grandes caves bouddhiques d’Ajanta, commencées au second siècle avant Jésus-Christ, furent, au viie siècle de notre ère, décorées de fresques du goût le plus rare et de la plus séduisante richesse.

Toute une civilisation est là, non pas résumée en quelques épisodes violents, en quelques scènes édifiantes, mais figurée avec ampleur, avec sentiment, avec cette puissante et gracieuse ingénuité de l’humanité ancienne que nous appelons le style. Des villes sont assiégées : toute la rage de la bataille anime les