Page:Focillon - Vie des formes, 1934.djvu/25

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en voient l’épanouissement. L’archaïsme gothique est peut-être encore plus rapide ; il multiplie ses expériences sur la structure, crée des types auxquels on croirait qu’il peut s’arrêter, les renouvelle jusqu’à ce qu’il ait en quelque sorte statué sur son avenir avec Chartres. Quant à la sculpture de la même période, elle nous offre un remarquable exemple de la constance de ces lois ; elle est inexplicable si on la considère comme le dernier mot de l’art roman, ou comme la « transition » du roman au gothique. À un art du mouvement elle substitue la frontalité et l’immobilité ; à l’ordonnance épique des tympans, la monotonie du Christ en gloire dans le tétramorphe ; la manière dont elle imite les types languedociens la montre en régression sur ces derniers, plus anciens ; elle a tout oublié des règles stylistiques qui charpentent le classicisme roman et, quand elle semble s’en inspirer, c’est à contresens. Cette sculpture de la seconde moitié du xiie siècle, contemporaine du baroque roman, entreprend ses expériences dans une autre voie, à d’autres fins. Elle recommence.

Nous ne chercherons pas à enrichir d’une définition de plus la série déjà longue de toutes celles que l’on a données du classicisme. En l’envisageant comme un état, comme un moment, nous le qualifions déjà. Il n’est pas vain d’indiquer qu’il est le point de la plus haute convenance des parties entre elles. Il est stabilité, sécurité, après l’inquiétude expérimentale. Il confère, si l’on peut dire, leur solidité aux aspects mouvants de la recherche (et par là même, dans un certain sens, il est renoncement). Ainsi la vie perpétuelle des styles atteint et rejoint le style comme valeur universelle, c’est-à-dire un ordre qui vaut pour toujours et qui, par delà les courbes du temps, établit ce que nous appelions la ligne des hauteurs. Mais il n’est pas le résultat d’un conformisme, puisqu’il sort, au contraire, d’une dernière expérience, dont il conserve l’audace, la qualité forte et jaillissante. Combien l’on souhaiterait rajeunir ce vieux mot, usé à force d’avoir servi à des justifications illégitimes, ou même insensées !