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ner, sous leurs divers aspects, espace et forme en sculpture.

Nous avons tenté d’y parvenir en distinguant l’espace-limite et l’espace-milieu. Dans le premier cas, il pèse en quelque sorte sur la forme, il en limite rigoureusement l’expansion, elle s’applique contre lui comme fait une main à plat sur une table ou contre une feuille de verre. Dans le second cas, il est librement ouvert à l’expansion des volumes qu’il ne contient pas, ils s’y installent, ils s’y déploient comme les formes de la vie. Non seulement l’espace-limite modère la propagation des reliefs, l’excès des saillies, le désordre des volumes, qu’il tend à bloquer dans une masse unique, mais il agit sur le modelé dont il réprime les ondulations et le fracas et qu’il se contente de suggérer par des accents, par des mouvements légers qui ne rompent pas la continuité des plans, parfois même, comme dans la sculpture romane, par un décor ornemental de plis destinés à habiller le nu des masses. Au contraire, l’espace interprété comme un milieu, de même qu’il favorise la dispersion des volumes, le jeu des vides, les brusques trouées, accueille, dans le modelé même, des plans multiples, heurtés, qui brisent la lumière. Dans un de ses états les plus caractéristiques, la sculpture monumentale montre les rigoureuses conséquences du principe de l’espace-limite. L’art roman, dominé par les nécessités de l’architecture, donne à la forme sculptée la valeur d’une forme murale. Mais cette interprétation de l’espace ne concerne pas seulement les figures qui décorent des murailles et qui se trouvent dans un rapport donné avec ces dernières, on la voit appliquée de même sorte à la ronde-bosse, sur laquelle elle tend de toutes parts l’épiderme des masses dont elle garantit le plein et la densité. Alors la statue semble revêtue d’une lumière égale et tranquille qui se meut à peine sous les sobres inflexions de la forme. Inversement, et dans le même ordre d’idées, l’espace interprété comme un milieu ne définit pas seulement une certaine statuaire, il exerce aussi son action sur les hauts et bas-reliefs qui s’efforcent d’exprimer