Page:Focillon - Vie des formes, 1934.djvu/45

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par toute sorte d’artifices la vraisemblance d’un espace où la forme se meut avec liberté. L’état baroque de tous les styles en montre de multiples exemples. L’épiderme n’est plus une enveloppe murale exactement tendue, il tressaille sous la poussée de reliefs internes qui tentent d’envahir l’espace et de jouer à la lumière et qui sont comme l’évidence d’une masse travaillée dans sa profondeur par des mouvements cachés.

Il serait possible d’étudier de la même manière, en appliquant les mêmes principes, les rapports de la forme et de l’espace en peinture, dans la mesure où cet art cherche à rendre le plein des objets installés dans les trois dimensions. Mais cet espace apparemment complet, il n’en dispose pas, il le feint : encore est-ce là le terme d’une évolution très particulière, et même alors il ne peut montrer qu’un profil pour un objet. Il n’est peut-être rien de plus remarquable que les variations de l’espace peint, et nous ne saurions en donner qu’une idée très approchée, car il nous manque encore une histoire de la perspective, comme une histoire des proportions de la figure humaine. Toutefois on aperçoit déjà que ces variations si frappantes ne sont pas seulement fonction des temps et des divers états de l’intelligence, mais des matières mêmes, sans l’analyse desquelles toute étude de la forme court le risque de demeurer dangereusement théorique. Enluminure, détrempe, fresque, peinture à l’huile, vitrail ne sauraient s’exercer dans un espace inconditionné : chacun de ces procédés lui confère une valeur spécifique. Sans anticiper sur des recherches qu’il nous a paru légitime de conduire à part, on peut admettre que l’espace peint varie selon que la lumière est hors de la peinture ou dans la peinture même, en d’autres termes selon que l’œuvre d’art est conçue comme un objet dans l’univers, éclairé comme les autres objets par la lumière du jour, ou comme un univers ayant sa lumière propre, sa lumière intérieure, construite d’après certaines règles. Sans doute cette différence de conception est encore liée à la différence des techniques,