plit les veines, qui estoient vuides de sang, et redonne la force aux os. Mais c’est assez pour ceste heure, reserrez votre cornemuse, estuyez la sourdine, ô Muses, remplissez le flaccon : si la teste est seche, donnez à boire à la teste seche.
alde, nonobstant les langes et les couches, avoit tiré
ses bras dehors, et avoit deslié toutes ses bandes : appeloit
sa mere Mamam, et Berthe Tatta : et commence
à se tenir en place : et, s’essayant de marcher, n’attend
aucun soutien, ny secours de sa mere, et ne se veut ayder
de ces petits roulleaux qu’on baille aux enfans de son
aage. Luy mestne s’achemine où il luy plaist, allant çà et
là. Mais, n’ayant encor les jambes bien fortes ny les pieds
bien asseurez, pendant qu’il s’efforce de courir et de vouloir
voler comme l’Oyseau, tout halebrené, tombe souvent
en terre, et gaigne de bonnes beignes au front, et
fait souvent emplastrer ses yeux pochez au beurre noir.
Toutefois, pour cela, on ne luy en void pas sortir une larme
des yeux : combien qu’il voye son sang sur la place, et
soudain se leve, et, se tenant droit, va encor trotter çà et
là. Sans qu’aucun luy enseignast, il se fit un cheval d’une
canne creuse, et un autre d’un baston de saule et d’un
roseau. Ce petit diablotin court deçà delà, ne peut s’arrester
en un lieu. Il n’aime se tenir sur la robbe ny reposer
sur les genoux de sa mere. Il prend un esclat de bois
qu’il attache à son costé en forme d’une espée, et d’une
longue canne il fait une lance ; et autant qu’il en peut