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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/103

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sçavoir avec son espée il donne coups en l’air à droicte, à gauche, estocades, estramassons, avec tous les coups d’escrimerie. Il court après les mouches, lesquelles il feint estre ses ennemis. Contre les murailles il poursuit les petites lesardes, et prend un grand plaisir, les voyans escourtées de queue, et neantmoins vivre encor et courir. Il commence injurier pere et mere, suivant la nourriture du vulgaire. Estant parvenu à six ans, qui consideroit sa force, ses ossemens, ses membres gros et bien fournis, pouvoit juger qu’il en avoit douze. Mars luy avoit donné les espaules larges, et les reins de mesme, pour soustenir la jouste, et les jambes propres pour sauter, et en somme toute telle dexterité, qui pourroit estre requise en un homme, soit à cheval ou à pied. Tantost il pique des talons son cheval de bois, court tant qu’il peut, l’arreste soudain, il rompt sa lance contre la muraille, ou la fiche dans le ventre d’un chaumier. Tantost il ferre le baston qui lui servoit de coursier, et contrefaict la Pie, le Chat, et le Chien. Que diray-je de la peau de son corps, qui estoit comme une escorce contre les injures du temps ? Les pluyes, la tempeste, la violence, et bourrasque des vents, les neiges froides, les chaleurs brulantes, ne l’eussent sceu retenir une demie heure à couvert. Comme il se couche, il s’endort, et ne dort gueres ; et le plus souvent son dormir est le jour sous le porche de la maisou, on la nuit soubs le plancher des estoilles, et rarement se couche avec sa mere. Pendant qu’elle dort quelques fois, il luy tire et desrobbe sa quenouille, et met le feu à sa pouppée, ne pensant pas que cette besongne soit pour luy, car sa mere lui filoit des chemises. La plume ne luy est pas plus agreable pour se coucher que la terre. Il endurcit ses costez sur la pierre, et change en nerfs forts et robustes sa chair delicate, se couchant ainsi sur la dure. Berthe craint (mais ceste crainte est meslée de joye) que trente boutiques de chausses, ny une milliasse de souliers, puissent fournir à cet enfant ; tant il trottoit de tous