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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/114

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amassent soubs leurs habillemens de gros cailloux ronds. Balde, pour se garantir de tels coups, tourne à l’entour du bras son manteau au lieu d’un bouclier. Les pierres, les cailloux volent, et morceaux de tuilles sont jettez, bruyans aussi fort comme si c’estoient harquebuzades.

Balde se retire, en combattant, soubs le porche de Saincte-Agnés, de peur que ses ennemis le veinssent assaillir par derriere. Puis, il se range en un coing d’où avec cent piques on ne l’eust sceu tirer. On luy jetta là une gresle de pierre ; mais, estant agile, tantost il saute à gauche, tantost à droite, evitant par ce moyen avec son agilité toutes ces pierres, comme le pilotte expert en son art en faisant son voyage sur mer, voyant devant luy les ondes eslevées ainsi que montagnes, n’abandonne pour cela le timon, ne perd son entendement ; mais eguise son esprit, et donne ordre par son art à fendre les ondes, faire tenir son vaisseau ferme sur icelles : ou les eviter. Ainsi Balde, voyant ces pierres venir droict à luy ou par haut, ou par bas, maintenant baisse la teste à gauche, et à droite, maintenant ouvre les jambes, ou en leve l’une, on la met sur l’autre. Et, par ce moyen, il evite quelquesfois en un instant plus de cent coups de pierre. Ce combat dura plus de trois heures, et le peuple, qui voyoit cette querelle, s’en emerveilloit fort.

Or le Capitaine, et le chef de ces assaillans, ayant le cœur despit, vouloit faire la sepulture de Balde entre ces tuilles et tuilleaux, qu’on luy jettoit, et s’advance fort sur luy. Balde luy crie : « Arreste-toy : si je te romps la teste, que sera-ce ? Ce sera à ton dam, je t’en avertis. » Mais ce poursuivant ne se soucie de ce qu’on luy dit, et ne prend garde s’il estoit suivi de ses compagnons.

Alors Balde ne l’advertit plus de prendre garde à soy : et, sans se soucier du saye et du bonnet de velours qu’avoit l’autre, prend une grosse pierre, et luy lançant en l’estomach d’une violence aussi grande que si elle eust esté jettée avec une fronde, le met par terre, et pense-