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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/115

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l’on soudain, qu’il soit mort ; dont les autres garçons estonnez monstrent aussi tost les talons.

Balde n’arreste gueres non plus en place, et se de- traque par cy par là jusques à ce qu’il se veid seul, et maistre de la campagne, où lors il reprint haleine, et, marchant plus à loisir, tiroit droit à Cipade. Il advint qu’un certain vassal, et subject de cet enfant qui avoit été ainsi griefvement blessé, ouit ce bruit et clameur : ces vaultneans de sergens l’appeloient Lancelot ; mais ceux qui ont eu meilleure connoissance de ce faict, le nomment Slandegnoque, qui veult dire lancebeignets. Cet homme estoit d’une corpulence fort difforme et ressemhloit à Manbrin le geant, n’ayant qu’une petite teste de linotie sur de grosses epaules : et eust-on dit que ce n’estoit point la sienne propre, mais une qu’il eust emportée au gibet. Ce compagnon estonnoit tout le monde par parolles, estoit un bravache, un mastin, un taille-tout, lorgnant tout de tort et de travers. Il monstre le poing, puis desgaine sa dague, et entourne son manteau au bras. Cestuy-cy avec ses braveries poursuit Balde, et en courant crie : « Prenez le larron, qu’il n’eschappe ! Prenez ce pendart, qui a rompu et cassé la teste au conte Janorse ! » A cette rumeur, le peuple, qui se trouvoit à la rencontre, tasche à arrester Balde. Il est prins incontinent. Mais aussi tost il se desveloppe d’eux, comme fait l’anguille qu’on ne peut pas retenir aisement. Lancelot toutefois court tousjours après, comme fait un mastin après un gentil lievre, ou comme un asne après un chevreuil, on hien comme un gras bœuf, qui tasche à course d’abatre le cerf. Balde, estant sorti les portes de la ville, à un traict d’arc d’icelles, rengaine son espée, et s’efforce de gagner le logis. Lancelot, deplaisant au possible, à force de courir, met la main sur le dos de Balde, comme le mastin, qui se jette laschement sur un petit chien. Balde, se representant soudain les chevalereux faicts de Roland, roule sa cappe à l’entour du bras gauche, et de la droite tire