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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/116

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son estoc, et en fourre la pointe dedans le nombril de Lancelot. J’ay veu autrefois abbatre par le pied un grand arbre pour raison de son ombre, qui nuisoit par trop aux bleds qu’on semoit auprès : mais iceluy ne faisoit pas plus de bruict en tombant, comme feit cet homme grand debrideur de pain en son vivant. A grand’peine Balder avoit-il peu tirer son espée du ventre de Lancelot, qu’il void une bande de sergens accourir vers luy. Ce qui luy fait redoubler le pas, et en galoppant gaigne enfin la maison de sa mere. Balduine, voyant son enfant tout en sueur, et estant tousjours en crainte et en peur de son fils, autant que peut estre le lievre, une couleur plombée luy venant au visage, s’escrie : « Où fuy-tu ? D’où viens-tu ? Qui t’a fait ainsi courir ? Di-moy, gentil danseur, dy, jeune poulain ? Pourquoy, malheureux, me fais-tu tous les jours mourir ? » Balde luy respond : « Voulez-vous que tousjours j’endure mille torts, qu’on me fait ? que je boive mille hontes, mille travaux, qu’on me donne ? Suis-je un asne pour ainsi exposer mon eschine à estre grattée par des poltrons et maroufles ? Je ne me soucie gueres de parolles frivoles : parlent qui voudront parler, je n’endureray jamais une seule chiquenaude, ny qu’on me touche du seul ongle. Du dict au faict il n’y a pas grande distance pour moy : que les hommes causent, babillent, fiantent, je ne les estime pas plus que pulces : je ne crains pas les chiens, qui jappent et abbayent de loing. La peau ne se deschire point par seules baveries. » La mere luy dit derechef : « Mon fils, tu ne sçais pas le proverbe, tu ne sçais pas que le grand poisson engloutit le petit. Ne va plus à la ville, et ne vueille delaisser ta mere : car je t’asseure que si tu ne laisses ces querelles, ces combats, ces batteries, que tu vivras peu. » Balde luy respond : « On ne peut mourir qu’une fois, et n’y a moyen de resister au destin : on n’y peut rien apposer au devant. Que sert de nous. rompre icy la teste après tant de raisons, puis qu’un chacun a son heure bornée ? Mais, je vous prie, ma mere, ne