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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/191

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n’avoir pas achepté de Zambelle ceste merde dont il se plaint, pourquoy done Zambelle est-il prisonnier ? Penses-tu, traistre, ainsi prandre au trebuchet un bon homme ? Penses-tu ainsi vendre ton fenoüil à tes citoyens ? Mais j’ay trop tenu couvertes tes meschancetez. Ne sçais-je pas bien (et en ay des tesmoings assez) que tu as falsifié tes poids et mesures, et que tes balances ne sont justes ? Ne vends-tu pas, meschant, des crottes de chien, et de chevre, au lieu de diaculon, et au lieu de pillule de tribus ? Au lieu de bonnes drogues, tu n’en vends que de meschantes. Je m’en vais au Palais, je te feray soudain adjourner, et te prepare de respondre à plus de cent tesmoings, qui meritent aussi bien que moy qu’on leur adjouste foy. Corps D…, mais je ne veux pas blasphemer. Enfin je feray saccager ta boutique, poltron, et maroufle que tu es ! As-tu ainsi pensé à t’enrichir aux despens d’un pauvre homme ? » Pendant que Cingar tenoit tels propos, tout le monde s’assembloit autour d’eux, et puis feint de s’en aller droit au Palais. Mais une peur chiarde prend incontinent l’Apoticaire, et plus viste que sa scammonée n’opere en un paysan, il ne sçait ce qu’il doit faire, il se voit perdu s’il n’y donne ordre de bonne heure. Il s’asseure bien n’avoir jamais eu de fausses balances ; toutesfois, il est en grand esmoy, et le soucy luy ouvre l’entendement. Il va après Cingar et l’appelle ainsi : « Attends un peu, je te prie, ô compagnon ! » Mais Cingar fait l’oreille de marchant. L’Apoticaire crie plus fort : « Hola, frere, demeure, que je te die seulement, je te prie, trois mots ! » Cingar se tourne et luy demande ce qu’il veut. L’autre, faisant la chattemite, le prie, et supplie et luy dit : Hé quoy ! mon compagnon, mon amy, que pensez-vous gaigner, quand vous m’aurez fait perdre mon bien et ma vie ? Ha ! pour l’amour de Dieu, et que la Fortune vous sauve et garde, ne veuillez m’accuser de telles choses, et principalement en ce temps, auquel vous voyez tant de loups, ayans la gueule ouverte pour devo-