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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/192

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rer un chacun miserablement. Je te donneray quelque argent, et ne poursuivray plus le paysant touchant sa merde couverte de miel ; au contraire, je te jure et promets que je le feray sortir de prison. » Cingar luy respond : « Certes, tu t’es eschappé d’un grand peril ; car, de droit, tu eusses perdu toute ta boutique, et peut-estre que le juge t’eust condamné à la mort. Je te remets toutesfois ceste faute, moyennant que tu gardes ta promesse que tu me viens de faire, et qu’à tes despens tu tires le bon homme hors de prison. — J’en suis content, dit l’Apoticaire. » Et là-dessus, ce pauvre lourdeau met la main à la bourse, et la vuide de tout ce qu’estoit dedans, le baillant à Cingar, qui le prend très-bien, en le refusant quelque peu, après l’avoir en sa main, à la façon des medecins[1] ; et s’en vont ensemble à la prison commune, et non celle de la tour. Zambelle, advisant Cingar, soudain accourt, et tout joyeux s’en vient aux grilles de la fenestre, et l’appelle, le priant le vouloir aider. Cingar lui dit : « Tais toy, tais toy, parle bas, fol, et te tiens joyeux. Car, tout à ceste heure, moy seul, te feray sortir de là, et je ne crains point de despendre mon argent pour toy, et en ay desjà beaucoup deboursé. Cet homme qui est icy venu avec moy, et qui t’a battu à tort, affermera et jurera devant le monde avoir usé d’une menterie, quand il a dit que des bouges de vache, qu’il avoit achetées pour quelque peu de deniers, estoient de la fiante humaine. — Mais, dit Zambelle, telle purgation intestinale nous apporte bien de l’incommodité ; toutefois je voudrois estre payé de celle qu’il m’a fait perdre. Dis-moy, Cingar, por-

  1. Rabelais s’est inspiré de ce passage lorsque, au troisième livre de Pantagruel, chap. xxxv, il montre Panurge s’approchant du docteur Rondibilis et lui mettant en main, sans mot dire, quatre nobles à la rose. « Rondibilis les print très-bien, puys luy dit en effroy comme indigné : Hé, hé, hé, monsieu, il ne failloyt rien. » Nous n’avons pas besoin de rappeler que Molière prête un trait semblable à Sganarelle dans le Médecin malgré lui (scène viii).