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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/76

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vuides de leurs chevaucheurs dès le premier assaut. Plus de mille lances sont brisées dont les tronçons volent jusques aux nuës, et les cris des combattans excitent. de plus en plus leurs courages. Le Roy se delectoit fort à veoir un si beau spectacle, la jouste se maniant avec un plaisant et agreable succez. De dessus son eschaffaut, il notoit les plus vaillans combattans, estant vestu d’une robe enrichie de pierres precieuses, et ayant sur la cheveleure bien peignée une couronne d’or. Le seul Guy demeure couché en son logis : luy seul, et seulet estendu sur un lict jouste contre soy-mesme. Enfin il oit les Lennissemens des chevaux, qui retentissoient par l’air : cecy le fait devenir fol, et fantasiant divers discours en son esprit troublé, maintenant veut marcher, s’appelant soy-mesme couard, tantost il se ravise grattant sa teste. Et pendant qu’il se veautre parmi tels et tels pensemens, voicy venir vers luy Sinibalde, qui estoit le plus grand amy qu’il oust. Iceluy, le trouvant au lict malade : « Hola, dit-il, que fais-tu icy, compagnon ? Pourquoy pleures-tu ? ô chose nouvelle ! ô Guy, quelle chere non accoustumée me monstres-tu en ta face ? Le Roy desireux de sçavoir l’occasion de ton retardement, et qui t’empesche de venir aux joustes, m’a envoyé vers toy. Chascun t’y appelle, tous t’y invitent, et te prient de venir au tournoy, lequel sans toy ne sçauroit rien valoir, et sera une chose tenuë à l’advenir pour goffre et sans aucune grace, si tu n’y compares. Tu souspires encore, et de ces soupirs et de tant d’ennuy que je remarque en toy en penses-tu celer la cause ? Tu sçais la faveur que j’ai du Roy, et comme il fait cas de moy ? Partant, si tu penses que je puisse quelque chose envers sa Majesté, qui est plus suffisant que moy pour te delivrer de ces peines ? » Guy, soupirant, jette une œillade vers son amy, comme fait un pierreux ou graveleux estant en tourment, pour ne pouvoir jetter son urine obstant quelque pierre, qui bouche le conduict, quand il void le medecin, avec lequel il se reconforte un