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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/95

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en long et à travers : soudain à trois coups les ceufs sont humez. On ne sçait que deviennent les huit rosties qui estoient en une escuelle ; ils mettent en pieces cruellement les dards ou gardons, et n’en veulent laisser un seul au plat, qui puisse en renouveller la trace. Mais, avans desjà le ventre mieux farci, pour venir à l’omelette, ils laschent la boucle, et commencent à redoubler leurs propos. Berthe enfin, avec une douce et amoureuse parolle, commence et dit ces mots : « Tout ce que vostre Berthe a de bien en ce monde, il l’employe tousjours à la volonté des bons compagnons. J’incague les Roys, les Empereurs, les Papes, et Cardinaux, moyennant que je puisse manger en paix mes petits appetits, et ciboules, et qu’il me soit permis de donner à desjeuner du revenu de mes chevres à mes compagnons. Je ne sçay qui vous estes, ny où vous allez, ny d’où vous estes arrivez en ce gras et ample territoire de Cipade. Je ne veux point m’enquerir, ny sçavoir les affaires d’autruy : Neantmoins vos habits, vostre face, et votre langage, et ces parolles, ony, tant bien, ma foy, et autres semblables me demonstrent que vous estes estrangers. Mais, si n’avez aucun bien, aucune maison, aucun fond, et si ne sçavez aucun mestier, et n’avez aucune bouticque, et que Fortune vous aye rendu si denuez de tous biens, tout ce que j’ay est à vous : vivez icy avec moi ; ma vache, mon asne seront à nous trois. Qui voudra manger, si mange : qui voudra tirer du laict, si en tire. J’ay cinq journaux de bonne terre, desquels tous les ans je recueille quantité de divers fruicts, des naveaux, des raves, des choux, des concombres, des citrouilles, des porreaux, des febves nouvelles, des oignons, des aulx, des ciboules, et, par sur tout, grande quantité de melons, dont je reçoy grand proflit, aussi bien que de ma vache et de mon asne. Tout cela est au commandement de vostre Berthe, mais partionnez au mal parler de ma langue, je voulois dire au commandement des bons compagnons, comme c’est raison. Entre les