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Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/97

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d’une mule fenduë ! Croyez que, si vous ne m’accordez ce contentement que je jouysse de vous, comme de mon frere, et de vous, comme de ma sœur, je ne seray aucunement content, et confesserez, qu’il n’y a aussi contentement plus doux que cestuy-cy. » Guy fut long-temps. estonné de voir une telle et si grande courtoisie en cet homme ; et à grande peine pouvoit-il croire ce qu’il oyoit, et ne se peut persuader qu’iceluy fut descendu d’un paysan ; mais pense à ce qu’il doit faire, et gratte les resveries et pensées de son suc ; car, si la honte a souffert tant de belles offres, où pense-t-il mieux pouvoir conduire son charriage ? car Balduine estoit par luy menée, comme une charrette, non seulement pour estre lassée d’un long voyage, mais pour estre devenue un gros et lourd bagage, estant desjà icelle grosse d’enfant. S’il les accepte malgré luy, quelle plus grande lascheté ? Quelle tache plus noire, et qui par aucun savon ne se peut effacer, que l’on voye le premier Baron de France, chef de tous honneurs, et la gloire de tant de beaux-faicts, qui est le plus grand Paladin du monde, prenne maintenant une trenche au lieu d’une espée, un soc pour une masse ? Pendant donc qu’il remue en son cerveau tels discours, et qu’il ramasse, de-çà, de-là, plusieurs, et diverses fantasies ; enfin ce qu’il jugea meilleur pour luy, et plus honeste, fut par luy resolu, et arresté en son entendement. Sa volonté done fut d’aller seul chercher quelques pays à conquerir, ou par guerre, ou par force, ou bien par quelques doux et paisibles moyens, et les gouverner en telle sorte qu’il y peut establir seurement un Royaume pour soy, et qu’alors il feroit à bon droit Balduine Marquise ou Duchesse, estant jà née de sang Royal. Ayant aussi resvé après telles deliberations une demie heure, il commença à parler ainsi : « Je suis, à la verité, tout honteux, ô Berthe, et n’ay point l’esprit tel que je puisse trouver aucuns propos propres pour vous declarer au moins la volonté bonne, que j’ay de vous paver tant et si