est, au contraire, dans une société sans doctrine, la seule marque des mauvaises mœurs. La seule règle devient : « ce qui se fait est bien, et ce qui ne se fait pas est mal. » Les magistrats, hommes moyens, appartenant à la moyenne sociale, sont ainsi très bien placés pour juger de ce qui, dans cette moyenne, apparaît comme intolérable. Ce qui est « contraire aux bonnes mœurs », c’est le scandale. « C’est intolérable ! » voilà le principe de tout jugement, la raison dernière de toute condamnation. Les juges ne font qu’extérioriser les jugements de la rue ou des salons.
Et dans nos sociétés détachées, séparées, ou émancipées, comme on voudra, de tout pouvoir spirituel, qui ont mis à la base de leur constitution la neutralité entre les doctrines et par suite l’indifférence à toute doctrine, à vrai dire la négation de toute doctrine, il ne peut qu’en être ainsi. Quand on n’a pas une doctrine sur l’homme, sur le but de la vie humaine, sur la conformité nécessaire des lois et des mœurs au but reconnu, on ne peut avoir que des règles empiriques de la conduite ; c’est la coutume alors, l’habitude qui règle les mœurs, c’est l’accoutumance seule qui permet de dire que quelque chose est bon ou mauvais. Or, nos sociétés assurent qu’elles laissent libres toutes les doctrines, elles ne professent aucune religion, aucune philosophie, car si elles avaient une doctrine