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NOTICE HISTORIQUE

de son père, Fontanes vint se fixer à Paris. Quoique déjà sur son déclin, la littérature y régnait presque en souveraine sur une société polie. Heureux jours, du moins pour les poëtes, où les lettres n’étaient pas, comme aujourd’hui, une spéculation et un moyen de fortune, mais un moyen de bonheur ; où on les cultivait encore pour l’amour d’elles-mêmes ; où un bon livre, fût-il d’un jeune homme ignoré, avait en peu de temps pour lecteurs et la cour et la ville, et se trouvait dans tous les salons; où la poésie était du goût de tous les âges, et faisait l’aliment de toutes les conversations !

Fontanes débuta dans le monde littéraire, en 1778, par la Forêt de Navarre. C’est un petit poëme descriptif, genre alors fort à la mode, mais où l’auteur, évitant tous les écarts de l’école contemporaine, réussit à peindre la nature, comme les anciens, avec vérité, et à être brillant sans fausses couleurs, sans recherche et sans enluminure. Ce début lui concilia l’amitié de Ducis, à qui l’année suivante, il adressa une belle et noble Épître. Il y a de l’âme et de l’inspiration dans cet hommage rendu au talent original, profond et vrai, et aux vertus privées de Ducis. On y sent déjà que le jeune poëte est appelé à réussir particulièrement dans l’expression des sentiments religieux, comme nous le verrons plus bas.

En 1783, parut sa traduction en vers de l’Essai sur l’Homme, de Pope, ouvrage de morale un peu sec, dont Fontanes s’attacha trop peut-être à imiter la concision. Malgré ce défaut. fort atténué du reste dans l’édition publiée en 1821[1], tous les hommes éclairés, appréciant les grandes beautés qui le rachetaient, félicitèrent l’auteur de l’élévation et de la pureté de

  1. On y lit l’avis suivant : « Je ne songeais point à réimprimer cette traduction. Elle serait restée longtemps dans mon portefeuille avec quelques ouvrages originaux. Mais on publie, après la mort de M. Delille, la version qu’il n’a point imprimée de son vivant : je dois donc aussi publier la mienne. Il y a plus de vingt ans qu’elle est dans sa forme actuelle. Si je paraissais plus tard, on pourrait croire que j’ai corrigé mon travail sur celui de M. Delillle. »