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LA CHARTREUSE DE PARIS.

D’illustres pénitents fuir le monde et les cours.
La voix des passions se tait sous leurs cilices ;
Mais leurs austérités ne sont point sans délices :
Celui qu’ils ont cherché ne les oublira pas ;
Dieu commande au désert de fleurir sous leur pas.
Palmier, qui rafraîchis la plaine de Syrie,
Ils venaient reposer sous ton ombre chérie ;
Prophétique Jourdain, ils erraient sur tes bords ;
Et vous, qu’un roi charmait de ses divins accords,
Cèdres du haut Liban, sur votre cime altière,
Vous portiez jusqu’au ciel leur ardente prière !
Cet autre protégeait leur paisible sommeil ;
Souvent le cri de l’aigle avança leur réveil.
Ils chantaient l’Éternel sur le roc solitaire,
An bruit sourd du torrent dont l’eau les désaltère,
Quand tout à coup un ange, en dévoilant ses traits,
Leur porte, au nom du Ciel, un message de paix.
Et cependant leurs jours n’étaient point sans orages.
Cet éloquent Jérôme, honneur des premiers âges,
Voyait sous le cilice, et de cendres couvert,
Les voluptés de Rome assiéger son désert.
Leurs combats exerçaient son austère sagesse.
Peut-être, comme lui, déplorant sa faiblesse,
Un mortel trop sensible habita ce séjour.

Hélas ! plus d’une fois les soupirs de l’amour
S’élèvent dans la nuit du fond des monastères ;
En vain, le repoussant de ses regards austères,
La Pénitence veille à côté d’un cercueil ;
Il entre déguisé sous les voiles du deuil ;