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ŒUVRES DE FONTANES.

Au Dieu consolateur en pleurant il se donne ;
A Comminge, à Rance, Dieu sans doute pardonne :
A Comminge, à Rancé, qui ne doit quelques pleurs ?
Qui n’en sait les amours ? qui n’en plaint les malheurs ?
Et toi dont le nom seul trouble l’âme amoureuse,
Des bot du Paraclet vestale malheureuse,
Toi qui, sans prononcer de vulgaires serments,
Fis connaître à l’amour de nouveaux sentiments ;
Toi que l’homme sensible, abusé par lui-même,
Se plait à retrouver dans la femme qu’il aime,
Héloïse ! à ton nom quel cœur ne s’attendrit ?
Tel qu’un autre Abailard tout amant te chérit.
Que de fois j’ai cherché, loin d’un monde volage,
L’asile où dans Paris s’écoula ton jeune âge !
Ces vénérables tours qu’allonge vers les cieux
La cathédrale antique où priaient nos aïeux,
Ces tours ont conservé ton amoureuse histoire ;
Là, tout m’en parle encor[1] ; là, revit la mémoire ;
Là, du toit de Fulbert j’ai revu les débris.
On dit même en ces lieux, par ton ombre chéris,
Qu’un long gémissement s’élève chaque année,
A l’heure où se forma ton funeste hyménée.
La jeune fille alors lit, au déclin du jour,
Cette lettre éloquente où brûle ton amour :
Son trouble est aperçu de l’amant qu’elle adore,
Et des feux que tu peins son feu s’accroît encore.

  1. Héloïse vivait dans le cloître Notre-Dame ; on y montre encore la maison, ou du moins l’endroit, où logeait son oncle, le chanoine Fulbert.