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LA CHARTREUSE DE PARIS.


 Mais que fais-je, imprudent ? Quoi P dans ce lieu sacré
J’ose parler d’amour, et je marche entouré
Des leçons du tombeau, des menaces suprêmes !
Ces murs, ces longs dortoirs se couvrent d’anathèmes,
De sentences de mort, qu’aux yeux épouvantés
L’ange exterminateur écrit de tous côtés.
Je lis à chaque pas : Dieu, l’enfer, la vengeance.
Partout est la rigueur, nulle part la clémence.
Cloître sombre, où l’amour est prescrit par le Ciel,
Où l’instinct le plus cher est le plus criminel,
Déjà, déjà ton deuil plait moins à ma pensée !
L’imagination vers tes murs élancée
Chercha leur saint repos, leur long recueillement ;
Mais mon âme a besoin d’un plus doux sentiment.
Ces devoirs rigoureux font trembler ma faiblesse.
Toutefois, quand le temps, qui détrompe sans cesse,
Pour moi des passions détruira les erreurs,
Et leurs plaisirs trop courts souvent mêlés de pleurs ;
Quand mon cœur nourrira quelque peine secrète ;
Dans ces moments plus doux, et si chers au poète,
Où, fatigué du monde, il veut, libre du moins,
Et jouir de lui-même, et rêver sans témoins ;
Alors je reviendrai, solitude tranquille,
Oublier dans ton sein les ennuis de la ville,
Et retrouver encor, sous ces lambris déserts,
Les mêmes sentiments retracés dans ces vers.