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LE VIEUX CHÂTEAU.

Dans leur muet langage entretiennent mes yeux
Des hauts faits, des grands noms, des mœurs de nos aïeux.

 Je marche, et sous mes pas la pierre qui se brise,
Des pairs, des anciens preux a porté la devise.
Là, flottait leur bannière ; ici, dans les tournois,
Un chevalier célèbre égalait tous les rois.
Que ne puis-je revoir ces coutumes brillantes,
Les défis de l’honneur, et les joutes vaillantes,
Les dames aux balcons, sous leurs yeux les guerriers
D’emblêmes fiers et doux parant leurs baudriers ;
Ces chiffres que traça la main la plus chérie ;
Ce serment d’aimer Dieu, la beauté, la patrie ;
Le palefroi fidèle, orgueilleux du héros,
La lice et la barrière, et la lutte en champ-clos !

 Le signal est donné : l’un sur l’autre on s’élance,
Et la lance à grand bruit heurte contre la lance,
Se rompt, et frappe encor par ses tronçons brisés.
Des juges quelque temps les vœux sont divisés.
Mais un brave inconnu qui baisse sa visière
Aux plus fiers assaillants fait mordre la poussière.
Tout cède, on l’applaudit : nul n’ose être jaloux ;
Quel est le paladin qui porta ces grands coups ?
Il découvre son front : ce mortel intrépide
A les traits de l’Amour, et la force d’Alcide.
Il se nomme, ô transports ! c’est Roland, c’est Roger,
C’est Renaud, tous les yeux veulent l’envisager.
Qu’il est jeune et vaillant ! Chaque belle désire
De mériter les vœux du héros qu’elle admire.