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ŒUVRES DE FONTANES.

LE VIEUX CHÂTEAU.


 Aux décemvirs français un vallon écarté
Dérobe dans son sein ma sage obscurité.
Tandis que mon pays tremble sous leur empire,
Mon âme solitaire, aux doux sons de la lyre,
Cherche à se consoler des maux qu’elle a soufferts.
Quel malheur n’est calmé par le chant et les vers ?

 Tout inspire les miens : le séjour que j’habite
À d’aimables pensers, loin des hommes, m’invite.
Mes yeux sont entourés du plus riant tableau.
La Seine, devant moi, coule près d’un coteau
Qui, sur son front sauvage, aux campagnes voisines
Des tours d’un vieux château montre au loin les ruines
Leur aspect m’intéresse, il m’attire ; et souvent
Ma muse, loin du bruit, les parcourt en rêvant.
L’pécheur attaché sur la rive
Ceux qu’emporte en courant la barque fugitive,
Et là-bas, sur les prés, le pasteur étendu,
S’étonnent de me voir, dans les cieux ; suspendu,
Seul et d’un air pensif, fouler ces noirs décombres
Qui dominent le fleuve obscurci de leurs ombres.
Ce lieu me plaît : du Temps les pas l’ont consacré ;
De la destruction j’y médite entouré ;
Dix siècles sur ces murs jettent leur mousse antique.
Ces murs, tout pleins encor de la fierté gothique,