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SUR M. DE FONTANES.

telle époque, au souvenir de tous les cœurs français, le nom et la royale bonté de l’infortunée Marie-Antoinette… « Ô jeune Asgill ! toi dont le malheur sut intéresser l’Angleterre, la France et l’Amérique ! avec quels soins compatissants Washington ne retarda-t-il pas un jugement que le droit de la guerre permettait de précipiter ! Il attendit qu’une voix alors toute-puissante franchit l’étendue des mers et demandât une grâce qu’il ne pouvait lui refuser ; il se laissa toucher sans peine par cette voix conforme aux inspirations de son cœur ; et le jour qui sauva une victime innocente doit être inscrit parmi les plus beaux de l’Amérique indépendante et victorieuse. »

Les portes de l’Institut s’ouvrirent pour Fontanes une seconde fois. Il travailla alors à la rédaction, et l’on peut dire à la résurrection du Mercure de France. Ses articles sur la Littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, par madame de Staël, sur le Génie du Christianisme, et sur les œuvres de Thomas, sont d’une critique éloquent et polie, inconnue jusqu’à lui.

Ici commence pour Fontanes une nouvelle carrière. Le premier Consul, en homme habile, s’était montré fort satisfait de l’éloge de Washington. Il recevait fréquemment Fontanes tête à tête, à dix heures du soir, et l’auteur de cette notice a vu entre les mains de celui-ci une carte d’entrée particulière, à l’aide de laquelle il était introduit par une petite porte extérieure du Pavillon Marsan. Là se tenaient des conversations dont le but était évidemment d’entretenir dans l’esprit de Fontanes les illusions des royalistes, afin de rallier lui, et eux par lui, au pouvoir nouveau. Fontanes crut de bonne foi, et pendant longtemps, que l’homme pour qui la gloire militaire avait tant d’attraits, pourrait bien n’être pas insensible à une gloire plus vraie et plus solide ; que son propre intérêt pourrait lui suggérer, sinon de généreux sacrifices, au moins des idées d’ordre et de décence publique, dont la patrie avait tant besoin, et qu’il serait même possible de les faire naître et se dé-