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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/21

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NOTICE HISTORIQUE

velopper par des conseils mêlés de louanges habiles. Le plus grave des historiens, selon l’expression de Bossuet, ne blâme point Agricola d’avoir cherché, par amour du bien public, à captiver l’esprit de l’empereur, et cet empereur était Domitien. Il l’en remercie au contraire ; il le félicite de ne point s’être précipité vers une mort certaine et sans fruit, par une opiniâtreté inflexible et une vaine jactance de liberté. Qui aurait le droit d’être plus sévère que Tacite ? Ne soyons donc pas surpris que, quand même l’imagination de Fontanes n’aurait pas dû naturellement être frappée du spectacle d’un homme si extraordinaire et d’événements si merveilleux, il se soit laissé facilement séduire par la pensée de devenir le conseiller de cet homme, et de le pousser à l’anéantissement de la révolution, seule espérance qui ne fût pas alors sans fondement.

C’est dans la même idée qu’il accepta, ainsi qu’un de ses amis (le comte Beugnot), une place importante au ministère de l’intérieur, où ces deux hommes remarquables se flattaient d’avoir, sur l’esprit du frère du premier Consul, une influence heureuse pour l’administration de la France[1]. Mais ni l’un ni l’autre n’étaient destinés à y rester longtemps. Nommé membre du Corps législatif pour le département des Deux-Sevres, en février 1802, puis porté sur la liste des cinq candidats à la présidence annuelle, Fontanes fut choisi pour président au mois de janvier 1804 (nivose an XII). On a vu, par ce qui précède, combien il est absurde de supposer que, pour arriver à cette dignité, Fontanes ait eu besoin de l’appui qu’il aurait trouvé en effet dans quelques personnes de la famille Bonaparte. Quelle autre protection lui fallait-il, que son talent, que

  1. Ce fut grâce à cette influence que Fontanes fit lever le scellé qui arrêtait la publication du poème de la Pitié, de Delille. — Un peu plus tard, le poëte aveugle ne pouvant terminer les notes qu’il avait promises pour sa traduction de L’Énéïde, Fontanes se chargea de faire, à son insu, les notes du 5e et du 6e livre. Quand l’éditeur, M. Michaud jeune, lui en donna lecture, sans pouvoir en nommer l’auteur, il s’écria : « Il n’y a que Fontanes ou Châteaubriand qui puisse les avoir faites ainsi. »