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LES PYRÉNÉES.

 L’honneur, l’aimable égalité,
 Et la naïve piété
 Qui fit le bonheur de nos pères.
Je marche en des sentiers que du plus vert rempart
Bordent la vigne et l’orme en mêlant leur feuillage,
Et tout-à-coup je vois s’élever à l’écart
Le simulacre usé du patron du village.
 Aux pieds de la gothique image,
 Les pèlerins à leur départ
 Implorent un heureux voyage.
 Dans ce roc un pieux vieillard
 Vint se creuser un ermitage.
Plus haut, sur la colline, on figura sans art
L’Enfant-Dieu reposant dans les bras de Marie ;
 C’est là qu’élevant son regard,
 Une mère en silence prie
 Pour un fils qui de la patrie
 Est prêt à suivre l’étendard.
Cependant ce séjour de paix et d’innocence
De nos derniers tyrans a connu les excès ;
Lorsque l’impiété, mère de la licence,
Sapa les fondements de l’empire français,
La religion sainte, en tous lieux assiégée,
Ne put trouver la paix au fond de ces déserts ;
Du mont de Beitaram la cime ravagée
 Vit sa croix d’offrandes chargée
 Tomber sous la main des pervers.
Leur règne enfin n’est plus, Dieu vengea son outrage ;
J’ai vu sur ce sommet qu’a longtemps ennobli
Des hameaux d’alentour le saint pèlerinage,