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LES PYRÉNÉES.

Qui bondit à leurs pieds de ravins en ravins.
Déjà du mont pieux tous ont gagné le faîte,
Et de loin ils croyaient entendre sur leur tête,
Parmi des chants mortels, le luth des séraphins.
Combien j’étais ému tandis qu’en ma présence
Deux peuples, réunis dans la même espérance,
Adoraient cette croix qui s’élève aux confins
 Et de l’Espagne et de la France !
La nuit enfin, la nuit ramenant le silence
Me força, malgré moi, d’abandonner ce lieu
 Où la nature, de son Dieu
 Publiait la magnificence.
Bientôt même à ce peuple il fallut dire adieu ;
Il fallut vous quitter, paisibles Pyrénées ;
Mais au sein de Paris, quand je vois mes journées
Couler dans de vains jeux, dans la pompe et l’ennui
Je me rappelle encor ces heures fortunées,
Et je dis en pleurant : Trop heureux aujourd’hui
Qui se cachant au monde en ces roches agrestes,
Du berceau d’Henri-Quatre adore en paix les restes
Et vit auprès d’un peuple encor digne de lui !