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NOTICE HISTORIQUE

et en gros caractères, et le remet au grand-maître avant son départ pour le château. Attaqué de nouveau devant toute la cour et même plus violemment que la veille, Fontanes soutient son droit, ou plutôt celui de tous les anciens professeurs, fondé sur le décret impérial ; puis, l’empereur s’obstinant dans ses dénégations, le grand-maître tire de sa poche l’article imprimé et le lui présente. L’empereur, furieux, le lui arrache des mains et lui tourne le dos. Alors tous les courtisans de s’éloigner de Fontanes comme d’un pestiféré. Lui, resté froidement jusqu’à la fin du lever, se retirait le dernier et avait déjà gagné l’extrémité de la galerie, lorsqu’un huissier de la chambre, courant après lui, l’invite à rentrer dans le cabinet de l’empereur. L’orage était dissipé ; le despote le reçoit en souriant ; « Vous êtes une mauvaise tête, lui dit-il ; vous avez raison au fond ; mais vous avez le tort de vouloir avoir raison contre moi en public. » Ils causèrent ensuite, pendant plus d’une heure, de littérature et de poésie.

Ces conversations plaisaient beaucoup à l’empereur. Parmi celles qui sont venues à notre connaissance, qu’il nous soit permis d’en citer une, où Fontanes n’eut presque point de part, mais qui fera connaître à la fois et le bon sens naturel de Napoléon, et cet orgueil presque insensé qu’il portait dans les questions le plus étrangères à son génie et à ses habitudes. « Vous aimez Voltaire ; vous avez tort ; c’est un brouillon, un boutefeu, un esprit moqueur et faux… Il a sapé par le ridicule les fondements de toute autorité divine et humaine ; il a perverti son siècle et fait la révolution qui nous a déshonorés et ruinés… Vous riez, monsieur ; mais rirez-vous encore quand je vous dirai que, sur vingt de mes jeunes officiers, il y en a dix-neuf qui ont un volume de ce démon dans leur porte-manteau ?… Vous vous retranchez sur ses tragédies… Il n’en a fait qu’une bonne, c’est Œdipe… Défendrez-vous son Oreste et son Brutus ? Est-ce ainsi qu’on doit peindre les changements de dynastie et de gouvernements ? C’étaient pourtant deux beaux sujets… Je veux