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À LA FONTAINE DU VIVIER.


Vains souhaits ! des beaux jours la fugitive image
N’est qu’un regret de plus pour mon cœur attristé ;
Là, mon frère autrefois, l’ami de mon jeune âge,
 Marchait à mon côté.

Il soutenait mes pas, et sa muse pensive
Suivait ces flots errants dans ces prés toujours verts ;
Les prés, et l’orme antique, et le flot et la rive
 Me répètent ses vers.

Quand mes faibles talents commencèrent d’éclore,
Il nourrissait mon goût de ses doctes leçons,
Et, dans mes jeunes mains, d’un luth timide encore
 Dirigeait tous les sons.

Il n’est plus ! il comptait quatre lustres à peine ;
De la gloire à ses vœux l’espoir était permis,
S’il eût pu désarmer la rigueur inhumaine
 Des astres ennemis.

Tel, quand il est couvert de son nouveau plumage,
Un jeune rossignol, pour la première fois
Suit l’instinct paternel, et d’un tendre ramage
 Fait retentir les bois.

Tout à coup, suspendant sa voix fraîche et brillante,
Il tombe, il est percé des ongles du vautour ;