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LA MAISON RUSTIQUE.

Les traits d’un jour plus vif en ont muri la sève ;
La branche a des tuteurs, le bourgeon des abris.
Arnauld de sa richesse est lui-même surpris.
Bientôt, par d’autres murs, de distance en distance
Des rayons du soleil il accrut la puissance,
Et pour les réunir, pour les multiplier,
À l’espalier en face opposa l’espalier.
La faveur des saisons fut pour lui plus constante ;
Ses fruits, dont la grosseur a passé son attente,
D’un éclatant duvet sont toujours revêtus.
Ses voisins l’enviaient : « Imitez ses vertus, »
Leur disait quelquefois le pasteur du village ;
« Au Dieu qui le protége adressez votre hommage ;
« Le travail, la sagesse et la faveur des cieux
« Font croître les beaux fruits chez les hommes pieux. »

 Quand le printemps renait, quand les arbres fleurissent
Les bourgeons trop hâtés quelquefois se flétrissent.
Crains le perfide éclat d’un soleil printanier ;
L’hiver, dans sa caverne un moment prisonnier,
Revient avec les vents et la grêle bruyante ;
Cours à tes espaliers : que ta main prévoyante
Sous des tissus de toile, ou de paille, ou de joncs,
Cache de l’arbrisseau les fragiles bourgeons,
Et trompe ainsi des airs la rigoureuse haleine.

 Il est d’heureux climats où l’arbre croît sans peine
Et fournit aux humains, sans s’épuiser jamais,
Leurs toits, leurs vêtements, leurs boissons et leurs mots ;
Ces climats, qui du ciel ignorent l’inclémence,