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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/379

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ŒUVRES DE FONTANES.

Glissent sur la pensée aussi prompts que les flots.
Le saule échevelé sur ces ondes s’incline.

 Si, non loin de leurs bords, et s’allonge et domine
Un érable, un vieux chêne au tronc chargé de nœuds
Respectez leur grand âge et leurs flancs caverneux.
De mousse et de limon leurs racines chargées
Par l’onde infatigable à demi sont rongées ;
Leur cime est verte encore, elle croit, s’épaissit,
Se prolonge aux deux bords des flots qu’elle noircit,
Et ne laisse échapper, sur le ruisseau plus sombre,
Que de pales clartés qui vacillent dans l’ombre.
Là, qu’un siège sans art m’invite à m’approcher.
Peut-être la nature, au creux de ce rocher,
Tailla grossièrement quelque grotte sauvage ;
C’est à vous aujourd’hui d’achever son ouvrage.
Formez, sous cette voûte inconnue au soleil,
La grotte de l’amour, ou l’antre du sommeil,
Et que sur les cailloux l’onde y coule et serpente.

 Laissez-lui quelquefois développer sa pente,
Quelquefois d’un obstacle embarrassez son cours :
Le ruisseau s’en indigne, et grossissant toujours,
Monte, écume, et se brise, et se roule en cascade,
Et du bruit de sa chute enchante sa naïade.

 J’irai, quand Sirius rougit le firmament,
Quand la plaine est sans ombre, et l’air sans mouvement,
J’irai, je goûterai ta fraîcheur souterraine,
Grotte mystérieuse où le jour entre à peine !