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À MADAME LA COMTESSE

CHRISTINE DE FONTANES.


J’aurais regardé, Madame, comme la récompense des fatigues de ma vie, le bonheur de parler au public de votre illustre père. Avec quel plaisir, arrêté au bord de ma tombe, j’eusse redemandé à une amitié fidèle les souvenirs dont elle est restée dépositaire ! C’est M. de Fontanes qui encouragea mes premiers essais ; c’est lui qui annonça le Génie du Christianisme, c’est sa muse qui, pleine d’un dévouement étonné. dirigea la mienne dans les voies nouvelles où elle s’était précipitée ; il m’apprit à dissimuler la difformité des objets par la manière de les éclairer, à mettre, autant qu’il était en moi, la langue classique dans la bouche de mes personnages romantiques. Il y avait jadis des hommes conservateurs du goût, comme ces dragons qui gardaient les pommes d’or du jardin des Hespérides : ils ne laissaient entrer la jeunesse que quand elle pouvait toucher au fruit sans le gâter.

Lorsqu’à la mort du fils des Condé, la politique m’eut jeté à l’écart, M. de Fontanes me sauva de la colère de l’homme que j’ai nommé fastique ; ce fut à l’occasion de cette mort qu’il fit un jour cette réponse courageuse : « Vous pensez toujours à votre duc d’Enghien ? — Il me semble que l’empereur y pense autant que moi. »

Votre père, Madame, vint encore à mon aide dans la car-